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Comment représenter la maternité sans tomber dans les clichés ? C’est la question que se propose d’aborder la Photographers’ gallery à travers le travail de huit artistes-photographes.

Dès l’entrée dans la première salle, notre regard est interpelé par un grand tirage d’Elinor Carucci. L’image montre un buste sans tête, un ventre encore arrondi dont la peau abîmée montre une cicatrice pansée, trace d’une récente césarienne. Une mèche de cheveux un peu floue occupe le premier plan de la photographie comme pour faire comprendre qu’il s’agit d’un autoportrait. Dans la salle, les visages arborent des mines perplexes, voire dégoûtées : le ton est donné, l’exposition ne plaira pas à tout le monde.

Un peu plus loin, un panneau indique qu’en raison du contenu de l’exposition, les personnes de moins de seize ans non-accompagnées ne sont pas autorisées. Une visiteuse s’exclame « C’est un peu tard pour ça ! ». Sur la gauche, l’artiste Janine Antoni se photographie, suspendue par des fils dans une chambre d’enfant, les jambes incrustées dans une maison de poupée. Accrochées à côté, des photographies donnent à voir des gros-plans de jambes imbriquées dans des pièces miniatures dans lesquelles de vraies araignées ont tissé leur toile, créant un lien fragile entre les objets minuscules et la peau de l’artiste. On ne peut alors s’empêcher de penser à Maman, l’araignée monumentale imaginée par Louise Bourgeois. Au fond de la salle, Elina Brotherus appréhende le sujet de l’infertilité à travers une série d’autoportraits la mettant en scène en train d’attendre… Mais attendre quoi ? Le titre, Annonciation, est à prendre au second degré : malgré le traitement, l’ange, ou plutôt l’enfant, ne viendra pas. A la vue des œuvres exposées sur le mur opposé, le panneau d’avertissement prend tout son sens. Leigh Ledare, l’un des deux hommes exposés, prend en photo sa mère au plus profond de son intimité, allant jusqu’à la photographier lors de ses ébats amoureux. Archive complexe abordant crûment le tabou oedipien, ce travail n’est pour autant pas dénué d’images émouvantes par leur tristesse.

A l’étage supérieur, l’exposition propose une plus grande diversité de supports et un ton plus léger. Sous une vitre, les trois livres de Fred Hüning, Einer, Zwei et Drei, naviguent entre autobiographie et fiction, relatant l’histoire d’amour d’un homme et d’une femme, de leur rencontre à la naissance de leur enfant. Sur la droite, le mur est presque entièrement recouvert des photographies d’Ana Casas Broda, dans lesquelles elle se met en scène en compagnie de ses deux fils lors de jeux qu’ils ont imaginé ensemble. Plus loin, notre attention est sollicitée par les images d’Hannah Putz mêlant compositions graphiques et corps nus. Le visage de la mère est ici toujours caché par son enfant, comme si les deux êtres ne formaient plus qu’un. Enfin, Gazelle, la vidéo de Katie Murray, détend un peu l’atmosphère en la montrant en train de faire de la gym pour perdre les kilos pris durant la grossesse. Mais l’exercice physique prend une tout autre tournure lorsque l’artiste doit porter, en même temps, le poids de ses deux enfants.

Interpelée par la prolifération d’images de « mamans-stars », Susan Bright, la commissaire d’exposition, a désiré montrer un versant plus atypique de la maternité. Est-ce là un pari gagné ? Même si la représentation donnée implique beaucoup de nudité et des cas parfois extrêmes, l’exposition parvient à donner un bel aperçu de la création photographique contemporaine à travers une grande variété de démarches et de regards.