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I look at the date on my tablet’s calendar.

3rd September 2081.

I only have less than twenty days before solitude reaches its final peak.

I will be a century minus ten years.

Each morning, I swallow a tablet supposed to concentrate everything I need. One single take, every morning.

The morning starts early at mine. At half four, the night seems to have already ended. The sun doesn’t shine as it used to. The few birds that are left don’t sing: their “coo coo” is mute.

My left ear is deaf. My right one works for both. I refuse to have a new one transplanted. Nobody in my family understand this decision. They say “After all, it is only a tiny operation”.

I feel free in that mid-silence.

In September 2081, the fine particles fill the atmosphere up. I wear thermal underwear with anti-UV rays clothing on top. Temperatures change all the time. The sun is aggressive despite its dimness.

I remember my first summer snow very well. Skies had suddenly been full of white clouds. A greyish snow had slowly fallen down. Most people around me were laughing while tears were piling up in my eyes.

I often noticed that in the most polluted spaces, vegetation keeps growing. Always greener, luxuriant, wilder. All this profusion, it must be the swan song.

It is 8h26, the natural phenomenon of which my tablet has been talking about for days has just begun. Some cuckoos are out with their nose up in the air. They matched their obligatory masks with a different pair of sunglasses than the ones promoted by the health code.

Most ordinary people never venture outside more than five minutes in a row. It is already more than the recommended 4 minutes and 39 seconds.

Through the window, I see the sky progressively darkening, and a knot clasps the inside of my throat. The daily tablet hasn’t improved my anxiety.

No more coo coo.

Not even the noise of an engine.

The group outside is immobilized.

In the twilight of my living room, I hear the tablet whispering: “it is the first sunless eclipse”.

The presenters are letting out a gasp.

The first sunless eclipse.

In my eyes, the last tears pile up.

The photographs were taken on the 20th March 2015, day of the ninth total eclipse of the 21st century.


 

Je regarde la date sur le calendrier de ma tablette.

3 septembre 2081.

Il ne me reste plus qu’une vingtaine de jours avant que la solitude n’atteigne son comble.

J’aurai un siècle moins dix ans.

Chaque matin, je gobe un comprimé censé concentrer tout ce dont j’ai besoin. Une seule prise, chaque matin.

Le matin commence tôt chez moi. A quatre heures et demi, la nuit semble déjà terminée. Le soleil ne luit pas comme auparavant. Le peu d’oiseaux qui restent ne chantent pas: ils roucoulent en sourdine.

Mon oreille gauche est sourde. Je tends l’autre constamment. Je refuse qu’on m’en greffe une nouvelle. Personne dans mon entourage ne semble le comprendre. Ils disent: “Après tout, ce n’est qu’une toute petite intervention”.

Je me sens libre dans ce demi-silence.

En septembre 2081, les particules fines remplissent  l’atmosphère. Les alertes se succèdent sur ma tablette.

Le ciel est gris et toujours cotonneux. On porte des sous-vêtements thermiques avec des vêtements anti-rayons UV pare-dessus. Les températures changent constamment. Le soleil est agressif malgré sa pâleur.

Je me souviens très bien de ma première neige d’été. Les cieux s’étaient soudainement emplis de nuages blancs. Une neige grisâtre était descendu mollement. La plupart des gens autour de moi riaient pendant que dans mes yeux les larmes s’amoncelaient.

J’ai souvent remarqué que dans les endroits les plus pollués, la végétation continue à pousser. Toujours plus verte, plus fournie, plus sauvage. Toute cette profusion, c’est sans doute le chant du cygne.

Il est 8h26, le phénomène naturel dont ma tablette me rabâche les oreilles depuis des jours vient de commencer. Quelques illuminés sont dehors avec le nez en l’air. Ils ont assorti leurs masques obligatoires à une paire de lunettes différentes que celles promues par le code de santé.

Le reste du commun des mortels ne s’aventure dehors jamais plus de cinq minutes d’affilées. C’est déjà plus que les 4 minutes 39 recommandées.

Par la fenêtre, je vois le ciel s’assombrir progressivement. La boule se réveille dans mon ventre et un nœud enserre l’intérieur de ma gorge. Le comprimé journalier n’a rien pu changer à mes angoisses.

Plus un roucoulement.

Pas le bruit d’un moteur.

Le groupe dehors s’est immobilisé.

Dans la pénombre de mon salon, j’entends la tablette murmurer: ‘c’est la première éclipse sans soleil’

Les présentateurs poussent des exclamations.

La première éclipse sans soleil.

Dans mes yeux, les dernières larmes s’amoncellent.

Les photographies ont été prises le 20 mars 2015, jour de la neuvième éclipse totale du XXIème siècle.